La théorie d’Einstein remise en cause par les «monopoles de Higgs»?
Le Professeur André Füzfa et ses collaborateurs Massimiliano Rinaldi et Sandrine Schlögel, du Centre namurois des Systèmes Complexes (naXys), ont découvert les « monopoles de Higgs », objets extrêmement petits et denses, ressemblant à des particules qui rayonnent du champ de Higgs. S’ils existent, ces monopoles de Higgs remettraient en cause la théorie d’Einstein. Ces résultats namurois viennent d’être publiés dans la prestigieuse revue américaine "Physical Review Letters", dans un article [1] présentant des prédictions théoriques inattendues provenant des extensions de la gravitation en présence du champ de Higgs. À peine découverts, ces monopoles de Higgs n’ont pas manqué de créer le débat… sur leur nom de baptême!
Le fameux champ de Higgs, dont la particule associée, le boson de Higgs, vient d’être découverte au CERN [2], interagit avec les autres particules élémentaires comme les électrons et les quarks pour leur donner leur masse, au travers du mécanisme de Brout-Englert-Higgs. Mais on peut aussi associer le champ de Higgs à la gravitation dans une nouvelle théorie qui va au-delà de la relativité générale. Cette approche a progressivement donné lieu à un nouveau modèle d’inflation primordiale de l’Univers, appelée «New Higgs inflation» [3], qui a d’ailleurs trouvé un écho dans les observations du satellite PLANCK [4].
C’est en appliquant cette nouvelle théorie de la gravitation associée au champ de Higgs à la description des objets très denses que les chercheurs namurois ont fait la découverte théorique de ce qu’ils ont été «invités» à appeler «les monopoles de Higgs». Ils ont identifié ces objets hypothétiques et étudié leurs propriétés, à l’aide de simulations numériques effectuées sur le supercalculateur 'Hercules' de l’Université de Namur. Les monopoles de Higgs se présentent comme des objets extrêmement petits et denses, ressemblant à des particules qui rayonnent du champ de Higgs et dont la masse individuelle pourrait atteindre jusqu’à plusieurs centaines de millions de tonnes. Ces monopoles de Higgs pourraient donc avoir une masse aussi grande que celle d’un petit astéroïde de quelques centaines de mètres de longueur mais concentrée dans une région bien plus petite que le noyau d’un atome…
L’existence de ces monopoles de Higgs n’est pas prévue par la théorie de la relativité générale et pourtant, ils permettent une meilleure description physique de la répartition du champ de Higgs dans l’Univers. Si leur existence venait à être prouvée, cela signifierait que la gravitation n’est pas complètement décrite par la théorie d’Einstein. Il faudrait aller au delà…
La découverte théorique de ces monopoles de Higgs et le modèle d’inflation cosmologique qui leur est associé sont deux prédictions majeures de la gravitation mariée au mécanisme de Brout-Englert-Higgs. Elles ouvrent également plusieurs perspectives fascinantes. La gravitation est-elle une interaction fondamentale comme les autres? Ces monopoles de Higgs ont-ils pu se former dans l’Univers primordial et survivre jusqu’à aujourd’hui? Ne pourraient-ils pas alors constituer une partie de la fameuse matière noire? Et si de tels objets existaient, pourrait-on les mettre en évidence par les interactions entre leur champ de Higgs et la matière ordinaire?
Higgs préféré à Brout-Englert-Higgs
Lorsqu’un nouvel état de la matière, comme ces monopoles de Higgs, est établi théoriquement, les découvreurs doivent lui trouver un nom. Dans ce cas, le nom initialement retenu par les auteurs était celui de «monopoles de Brout-Englert-Higgs», choisi en l’honneur du mécanisme éponyme qui donne la masse aux particules élémentaires et qui justifie ainsi le rapprochement de ce mécanisme avec la gravitation. Toutefois, ce nom n’a pas semblé approprié aux éditeurs de la prestigieuse revue qui ont suggéré de le débaptiser plus simplement en «monopoles de Higgs»… De quoi alimenter une vieille polémique à quelques semaines de la divulgation du prochain prix Nobel de Physique…
Cette recherche a été financée par la convention Action de Recherche Concertée n°11/15-040 et par le fonds FRIA.
[1] A. Füzfa, M. Rinaldi et S. Schlögel, Particlelike Distributions of the Higgs Field Nonminimally Coupled to Gravity, Physical Review Letters 111, 121103 (2013) [2] ATLAS Collaboration, Phys.Lett. B716 (2012) 1, CMS Collaboration, Phys. Lett. B 716 (2012) 30. [3] F.L. Bezrukov et M. Shaposhnikov, Phys. Lett. B 659 (2008) 703; R. Fakir et W.G. Unruh, Phys.Rev.D41 1990)1783‑1791. [4] PLANCK collaboration, «Planck 2013 results. XXII.Constraints on inflation»
Plus d'info :
http://www.naxys.be