Matériaux, métiers et techniques. Vers une histoire matérielle du chantier de restauration (1830-1914)
Colloque international
Date : 14/12/2017 09:00 - 16/12/2017 16:30
Lieu : Paris-Liège-Namur
Organisateur(s) : Claudine Houbart (ULG) Mathieu Piavaux (UNamur, AcanthuM), Arnaud Timbert (Université de Picardie-Jules-Verne), Julien Noblet (INHA)
À la suite des travaux de Max Dvořák sur la notion de « valeur historique » et dans la continuité des recherches de Louis Grodecki sur « les monuments dans l’histoire », il ne s’agit plus aujourd’hui d’aborder le chantier de restauration aux seules fins discriminantes de la « critique d’authenticité ». Le chantier de restauration implique en effet des questions matérielles, techniques, économiques, sociales et spirituelles qui relèvent de l’histoire, de l’archéologie – « archéologie des restaurations » récemment valorisée par Nicolas Reveyron –, de l’anthropologie et de la sociologie.
Le fil conducteur des débats envisagés par ce colloque sera donc moins les restaurateurs célèbres ou les chantiers emblématiques que les procédés techniques et les savoir-faire des métiers (du gros-œuvre comme du second-œuvre) ainsi que l’organisation et la vie des chantiers. Partant, la documentation qui alimentera les communications ne sera pas celle, déjà largement exploitée, des propos théoriques mais bien celle, quasi inédite, des sources historiques et archéologiques éclairant sur les hommes, les matériaux et les pratiques.
L’objectif est à la fois de s’interroger, à la faveur d’exemples puisés en Europe, sur les stratégies d’approvisionnement en matériaux, sur l’évolution des procédés techniques associés à leur façonnage et à leur mise en œuvre, de même que sur les enjeux humains, économiques, sociaux et idéologiques qui motivent ces usages. Les démarches engagées pour l’achat de la pierre et les raisons qui contribuèrent au choix des carrières seront par exemple envisagées. Il s’agira également d’évaluer les critères qui présidèrent à la sélection des essences de bois, bois dont on parle peu, pour les XIXe et XXe siècles industriels, mais qui reste très présent sur le chantier pour les charpentes, les cintres, les échafaudages, les outils de levage et de calage. L’enjeu est par ailleurs de mesurer la place et le rôle du métal dans la restauration (boulon, liaisonnage au plomb…) autant que l’apport de nouveaux matériaux comme les ciments, le béton, le zinc, la fonte, le goudron et, plus largement, des nouvelles méthodes de protection telles que la silicatisation. Dans le prolongement de ces questions sur la nature des matériaux, il conviendra, par le biais des textes et des traces archéologiques, d’identifier et d’analyser les outils de façonnage (manuel ou mécanique) et les techniques de mise en œuvre. Parallèlement, un intérêt accru sera réservé aux procédés techniques destructeurs, mobilisés pour faire disparaître certaines « strates » du bâti ancien préalablement à sa restauration à proprement parler. Enfin, il ne faudra pas négliger, dans le cadre d’une architecture sacrée, l’impact des contingences spirituelles et théologiques (incarnation du divin en toute matière) dans le choix des nouveaux matériaux (zinc, fonte, ciment …) ou la substitution de substance symboliquement chargée (abandon de la cire pour le gaz et l’électricité…).
Il s’agira par ailleurs de dévoiler l’organisation interne des chantiers, notamment les aspects humains, politiques et économiques qui sous-tendent ces entreprises. Les méthodes propres aux activités encadrées par des administrations d’État (soumission, adjudication, attachement figuré), la hiérarchie entre les hommes (architecte, inspecteur, entrepreneur, vérificateur) et entre les métiers feront par exemple l’objet d’un intérêt particulier.
Il conviendra enfin de mettre en résonance les chantiers de restauration des XIXe et XXe siècles avec les chantiers de construction contemporains et des périodes antérieures. La transmission des savoirs tacites et formulés (pour reprendre ici les catégories définies par François Caron) dans le milieu du bâtiment traverse les générations à un rythme autonome peu sensible aux gesticulations de l’histoire politique et formelle. En dépit des révolutions industrielles et de l’évolution des théories, transmettre implique une relative permanence des techniques comme des savoir-faire. Il s’agit de lignes de force qui parcourent les périodes et rassemblent les bâtisseurs de plusieurs temps. Il en résulte une longue histoire matérielle de l’architecture – médiévale notamment –, une sorte de « méga-période » panofskienne dont les échos comme les traces animent les chantiers de restauration modernes et contemporains. Parfois, le rejeu des gestes et des techniques n’est pas le fruit volontaire d’une reproduction à l’identique mais simplement celui d’un héritage non formulé. Cet héritage tacite tombé entre les mains du restaurateur nous éclaire ainsi sur les problématiques matérielles du constructeur. Ce colloque ambitionne donc d’évaluer la valeur du chantier de restauration comme source documentaire (historique et archéologique) du chantier de construction médiéval.
COMITE SCIENTIFIQUE
Stephan Albrecht, Univ. Bamberg.
Anna Bergmans, UGent (Gand).
Fabienne Chevallier, Musée d’Orsay.
Thomas Coomans, KULeuven (Louvain).
Gilles Maury, ENSAP-Lille.
Bruno Phalip, Univ. Clermont-Ferrand.
Muriel Verbeeck, ESA Saint-Luc, Liège.
PROGRAMME
Jeudi 14 décembre 2017 (Paris)
INHA Paris, salle Vasari
9h : Accueil des participants
9h30 : Claudine Houbart, Mathieu Piavaux et Arnaud Timbert
Introduction du colloque
Matin : « Méthodologies, analyses et interprétations »
Présidence de séance (sous réserve de confirmation): Fabienne Chevallier – Musée d’Orsay
10h : Nicolas Reveyron – Université de Lyon II
L’Archéologie des restaurations : le XIXe siècle en perspective
10h30 : Bruno Phalip – Université de Clermont-Ferrand II
D’affreuses cicatrices claires ? Couleurs et cartographiesbigarrées du restauré européen au XIXe siècle
Questions aux intervenants et Pause café
11h30 : Katja Schröck – Université de Bamberg
Arranger et restaurer – une comparaison des méthodes de restauration au XIXe siècle
12h : Franca Malservisi – Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Versailles
Aspect de l’histoire matérielle du second œuvre : les pentures de la rotonde de Neuvy-Saint-Sépulchre.
Questions aux intervenants et déjeuner
Après-midi : « Matériaux et techniques sur le chantier de restauration »
Présidence de séance : Gilles Maury – ENSA Villeneuve-d’Ascq
14h30 : Vincent Heymans – Ville de Bruxelles – cellule Patrimoine
Les restaurations des maisons de la Grand-Place de Bruxelles au XIXe siècle : affirmation politique et tâtonnements techniques
15h : Vincent Debonne – Institut Flamand du Patrimoine
"Les blocs de sable sciés carrément, comme une pièce de bois" : a material look at restoration in Belgium in the 19th- and early 20th-century
Questions aux intervenants et pause café
16h : Bénédicte Fillion-Braguet – Université de Poitiers
La place du « lot sculpture » dans le chantier de restauration au XIXe siècle – comment restaurer les façades, portails et chapiteaux des églises de l’Ouest de la France
16h30 : Catherine Baradel – Vallet – Université de Bourgogne
Les toits polychromes de l’hôtel-Dieu de Beaune (1899-1907) : une célébrité justifiée.
Questions aux intervenants et clôture de la première journée.
Vendredi 15 décembre 2017 (Liège)
Université de Liège, Faculté d’architecture
Local à déterminer
13h à 16h : Claudine Houbart, Mathieu Piavaux et Antoine Baudry
Visites des églises Sainte-Croix, Saint-Jacques et Saint-Paul de Liège
17h30-18h30 : Conférence plénière de Xavier Barral i Altet – Université de Rennes et de Venise, Bibliotheca Hertziana Max-Planck-Institut für Kunstgeschichte Rome.
Louis Grodecki, Pierrefonds et les Monuments historiques
19h - 21h : Dîner à la Brasserie de la Gare des Guillemins
21h18 : Départ vers Namur
Samedi 16 décembre 2017 (Namur)
Université de Namur, Faculté de philosophie et lettres
« Des chantiers et des hommes : approches historique et anthropologique »
9h : Accueil des participants
9h15 : Introduction de la journée : Thomas Coomans – KU Leuven
Présidence de séance : Muriel Verbeeck – Université de Liège
9h30 : Bianca Gioia Marino – Université de Naples
Matériaux et pratiques d’un chantier permanent du XIXe siècle : le cas du dôme du Panthéon parisien
10h00 : Caroline de Barrau – Université de Perpignan
« Un des monuments gothiques les mieux entretenus du Royaume » : les restaurations de la cathédrale de Rodez
Questions aux intervenants et Pause café
11h : Francis Tourneur – Université de Liège
La restauration de l’ancienne collégiale gothique de Walcourt (Belgique), pratiques d’un chantier de longue haleine (1840-1910)
11h30 : Angel Menargues Rajadell – Université de Bamberg
Constructive, Material and Technical Features of the Restoration of the Cathedral of Barcelona (1887-90,
1896-98, 1906-13)
12h00 : Myriam Chevalier – Université de Lille III
Entretien vs restauration : acteurs et technicité des travaux menés à l’église de Saint-Vaast-de-Longmont au XIXesiècle
Questions aux intervenants et déjeuner
Présidence de séance : Anna Bergmans – Université de Gand
14h30 : Stéphanie Diane Daussy – Université de Lyon II
Le Journal des travaux de Notre-Dame de Paris (1844-1865). Apport à la connaissance de l’intimité d’un chantier
15h00 : Antoine Baudry – Université de Liège
L’architecte est-il le seul maître à bord ? Le poids des contraintes sur quelques chantiers de restauration d’édifices religieux en provinces de Liège et de Namur
Questions aux intervenants et pause café
15h30 : Virginia Bertone – Musée d’Art Moderne et Contemporain de Turin
Monica Naretto – Université Polytechnique de Turin
Pour une histoire matérielle des chantiers de restauration d’Alfredo d’Andrade (1839-1915). Des documents aux pratiques.
Questions aux intervenants
16h30 : Stephan Albrecht – Université de Bamberg.
Conclusion du colloque
Contact :
Julien Noblet
-
julien.noblet@inha.fr
Plus d'info :
https://www.unamur.be/lettres/acanthum/colloques-et-activites/colloquedecembre2017
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