Journée d’étude : « Virtualisation et politiques de l’espace »
Journée d'étude organisée par le Département de philosophie /Esphin et l’Unité Technologies et Société/Centre de Recherche Information, Droit et Société dans le cadre du cycle "Penser la condition anthropologique aujourd'hui".
Date : 11/05/2016 09:30 - 11/05/2016 17:00
Lieu : Salle académique (4ème étage) - Faculté d’informatique – 21, Rue Grandgagnage - UNamur
Organisateur(s) : Département de Philosophie /Esphin et l’Unité Technologies et Société/Centre de Recherche Information, Droit et Société
Le géographe Michel Foucher (2010) souscrit à la « thèse paradoxale d’un ‘retour des frontières’ dans la phase actuelle de la mondialisation » : la terrible actualité des « migrants » et des réfugiés interpelle le mythe du village global. Les frontières ne disparaissent pas, mais elles se complexifient tant au niveau de leur effectivité – virtualisation des frontières concomitante avec un retour aux murs, aux barbelés et autre dispositif matériel – que dans leurs fonctions (juridique, policière et fiscale). Comment comprendre cette nouvelle complexité ?
Une virtualisation du contrôle
Aux murs physiques qui délimitaient des espaces clos succèdent des espaces ouverts, dont la frontière est tracée par des technologies de surveillance comme des caméras, des radars, et des senseurs. Une nouvelle forme de délimitation de l’espace plus légère et quasi-invisible verrait le jour. Cette virtualisation des murs et des frontières n’a pas seulement lieu entre Etats, mais également à l’intérieur même des territoires. La prolifération de caméras de surveillance et d’autres technologies numériques conduisent à un mouvement de « virtualisation » des dispositifs de sécurité. En ne cherchant pas à bloquer mais à couvrir un espace, en s’adaptant et en suivant les flux plutôt qu’en les arrêtant, ces technologies induisent une nouvelle gestion de l’espace plus discrète et moins visible.
Une nouvelle gestion politique de l’espace
Pour cerner ce qui se joue fondamentalement dans cette forme de « virtualisation » des murs et des frontières, il faut éviter d’assimiler virtuel à « moins réel ». Comme le souligne Olivier Razac, « la virtualisation ne signifie donc pas un contrôle moindre de l’espace, tout au contraire, l’allégement de la présence en acte des séparations se fait au bénéfice direct de la capacité d’action du pouvoir » (Histoire politique du barbelé, p. 159). Il faut comprendre la virtualisation comme une nouvelle forme de « gestion politique de l’espace », plutôt qu’une dépolitisation de celle-ci. Pour cette forme de gestion de l’espace, il s’agit moins de contrôler l’ouverture et la fermeture de l’espace que de gérer les flux d’un espace ouvert, « gérer sa perméabilité » écrit Razac. « Contrôler les populations sans les freiner », l’objectif n’étant pas de « bloquer, mais de faire circuler » (Jean-Amos Lecat-Deschamps 2012). Il s’agit de gérer ce que Michel Lussault appelle « la trans-spatialité », c’est-à-dire « l’action spécifique qui consiste à franchir » (Michel Lussault 2012). Plus encore que le passage ou le franchissement, c’est le déplacement lui-même qui devient l’objet du contrôle et de la surveillance.
Mais les murs sont toujours là…
Par ailleurs, en parallèle à cette virtualisation du contrôle de l’espace, survivent et revivent des techniques très matérielles de clôture d’un espace, comme le barbelé (Razac, 2009) ou les murs de béton armé. On mise alors sur l’efficience du dispositif, qui se révèle peu onéreux et très efficace en tant que repoussoir physique. Il s’agit ici d’une intrication complexe de plusieurs régimes de pouvoir. Selon la typologie foucaldienne, le pouvoir souverain exprimé dans le barbelé et les murs se superpose au pouvoir de la « société de contrôle « (Deleuze, 1991), exprimé dans la virtualisation des technologies de surveillance. Il s’agira alors d’examiner quel type de violence et de dé-capacitation subjective surgit de ces contrastes.
Cette journée d’études abordera différents enjeux de cette virtualisation du contrôle de l’espace à travers deux temps de réflexion. Un premier temps, en matinée, sera l’occasion de présenter différents travaux de recherche portant sur des technologies de surveillance. L’après-midi consistera en une table ronde autour des travaux de Olivier Razac.
Contenu de la journée
Matinée de réflexion sur des technologies de surveillance
9h30 : Introduction par Christophe Lazaro, directeur de l’UTS.
9h40 : Nathalie Grandjean (UTS/Unamur) et Alain Loute (UTS/Unamur et Centre d’éthique médicale/UCLille) : « Matérialité de la virtualité : vers une intensification de l’invisible ».
10h15 : Jérémy Grosman (FNRS/UTS/Unamur) : « L'analyse automatique d'image et les comportements menaçants. L'ingénieur, au milieu de ses algorithmes, face à leurs modèles ».
10h50 : Pause.
11h10 : Perrine Vanmeerbeek (UTS/Unamur) « Caméras intelligentes : prévention, stratégie politique ou surveillance généralisée de l'espace public ? Une étude qualitative de l'utilité des caméras PTZ en Wallonie ».
11h45 : Denis Duez (Université Saint-Louis) : « EUROSUR : Surveillance des frontières et mise-en-discours de l’espace maritime européen ».
12h30 : Déjeuner.
Après-midi : Table ronde autour des travaux de Olivier Razac
De 14h à 17h
Avec la participation de :
Olivier Razac (Université Grenoble Alpes)
Antoine Masson (Unamur)
Lucas Melgaço (VUB)
Martin Deleixhe (KUL)
Amaury Delvaux (Unamur)
Entrée libre.
Contact :
Alain Loute
-
081 72 49 97
-
alain.loute@unamur.be
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