Sections
Accueil UNamur > Agenda > Nouveaux regards sur l’avouerie. Les avoués des abbayes et des sièges épiscopaux entre Loire et Rhin (fin IXe – milieu XIIIe siècle)
événement

Nouveaux regards sur l’avouerie. Les avoués des abbayes et des sièges épiscopaux entre Loire et Rhin (fin IXe – milieu XIIIe siècle)

Content Image

Arnoul IV, sire d’Audenarde, se saisit du cheval blanc de l’abbé de Kornelimünster en vertu de son droit d’avoué. Provenance : cartulaire de Pamele-Audenarde (Lille, Archives départementales du Nord, B 1570, f. 40v)

Colloque international

Catégorie : colloque/congrès
Date : 04/02/2016 13:30 - 05/02/2016 17:00
Lieu : Université de Namur, Salle NARC – Namur Advanced Research College 55, rue de Bruxelles – 5000 Namur
Orateur(s) : Ch. West (Univ. of Sheffield), S. Vanderputten (UGent), T. Martine (Univ. Paris-Est), M. Margue (Univ. du Luxembourg), B. Tonglet, N. Schroeder, L. Morelle (EPHE, Paris), Th. Kohl (Univ. Tübingen), F. Mazel (Univ. Rennes 2), G. Albertoni (UniTrento)...
Organisateur(s) : Centre de recherche “Pratiques médiévales de l’écrit” – Université de Namur

En moins de deux décennies, notre compréhension de la société seigneuriale des Xe-XIIe siècles s’est profondément renouvelée et considérablement complexifiée. Transcendant les cadres interprétatifs anciens, l’historiographie récente insiste de plus en plus sur l’étroite imbrication des sphères ecclésiastique et laïque de la société au Moyen Âge central. Dans le champ du politique, le phénomène se traduirait par l’exercice d’une certaine emprise des puissants sur l’institution ecclésiale. Une fonction héritée du haut Moyen Âge, et qui tend à gagner graduellement de l’importance dès l’aube du Xe siècle, manifeste clairement cette interpénétration des pouvoirs laïque et ecclésiastique : celle d’avoué. Auxiliaires laïques chargés de défendre les intérêts temporels d’une institution ecclésiastique et de se substituer aux religieux dans l’accomplissement de tâches théoriquement peu compatibles avec l’état clérical – notamment dans les matières judiciaires et militaires –, les avoués des Xe-XIIe siècles ont souvent tiré parti de leur position pour étendre leur autorité au-delà de leur domaine foncier propre. L’avouerie a donc joué un rôle fondamental dans la construction des seigneuries laïques, puis dans celle des principautés territoriales. C’est à l’étude de cette institution en mal d’interprétations nouvelles et défiant les catégorisations modernes (public/privé, séculier/religieux, …) que se dédie ce colloque au cours duquel avouerie monastique et avouerie épiscopale seront envisagées de concert.
Le champ chronologique exploré correspondra avant tout aux Xe-XIIe siècles, soit « l’âge d’or » de l’avouerie, même s’il n’est pas exclu de s’intéresser aux précédents carolingiens ou aux mutations des derniers siècles du Moyen Âge. Attestée au nord de la France, en Flandre et en Île-de-France, comme en Lotharingie et dans l’ensemble du royaume de Germanie, l’avouerie est une institution qui transcende les frontières politiques. Elle doit donc s’envisager indépendamment des limites séparant les deux grands royaumes nés de la décomposition de l’Empire carolingien. C’est pourquoi le terrain d’enquête étudié à l’occasion de ce colloque correspondra à l’entre Loire et Rhin, un espace au sein duquel l’institution s’est particulièrement bien épanouie. Tout en favorisant les convergences entre les communications, le choix de cette aire géographique vaste, mais présentant une certaine cohérence sur le plan documentaire, permettra à la fois la synthèse et la comparaison.

Le premier enjeu de la rencontre sera de se démarquer des perspectives institutionnelles et juridiques. Il conviendra, d’abord, de relire la transition entre l’avoué carolingien, avant tout expert en droit, et l’avoué post-carolingien, bras armé des institutions ecclésiastiques. L’enquête suppose donc d’étudier de près la transformation des missions de l’avoué. Elle implique aussi de déterminer le rôle exact joué par l’avouerie dans les mutations politiques qui affectent le Moyen Âge central. À partir du Xe siècle, en effet, la charge d’avoué se transmet héréditairement et son titulaire est libre d’en concéder certaines parties en fief à ses vassaux. Conséquence directe de cette évolution, l’avouerie se muera rapidement en l’un des fondements du pouvoir des grands. À travers des études de cas bien documentées, l’ambition sera de comprendre comment certains aristocrates ont usé de l’institution, et ont parfois cumulé les avoueries de plusieurs établissements ecclésiastiques, pour accroître leur zone d’influence et, ainsi, bâtir leur seigneurie. L’avouerie a, dans ces circonstances, pesé de tout son poids dans l’émergence des principautés territoriales. Quelle réaction cette évolution a-t-elle entraîné de la part des rois et de l’institution ecclésiale ? La question ne peut trouver de réponse qu’en envisageant dans toute leur complexité les liens unissant les souverains, les communautés religieuses, leurs avoués et les vassaux de ces derniers.
Faites à la fois de collaboration et de rivalité, les relations entre les avoués et leurs partenaires ecclésiastiques prennent régulièrement un tour conflictuel, les seconds se lamentant dans leurs écrits des empiètements ou de l’inefficacité des premiers. Ces tensions doivent être envisagées sous une double perspective. Il s’agit, d’abord, de s’interroger sur les dissensions en elles-mêmes. Quels sont les enjeux sous-tendant les discordes entre les religieux et leurs avoués ? Ces dernières mettent-elles plutôt les institutions ecclésiastiques aux prises avec leurs avoués ou avec leurs sous-avoués ? Ces tensions s’avivent-elles en des moments particuliers, notamment en temps de réforme ? Analyser ces conflits implique également de faire la part de la réalité et celle de la rhétorique monastique. À travers leurs discours, les clercs ont souvent forgé une image déplorable de leurs avoués. Il est pourtant nécessaire de se distancier des légendes noires trop longtemps colportées à leur sujet par l’historiographie si l’on veut appréhender l’institution à sa juste valeur. Sans nécessairement nier l’existence de querelles parfois très vives entre les protagonistes, il importe de déconstruire le récit des clercs, de s’inquiéter du vocabulaire employé par ceux-ci, de replacer ces représentations dans leur contexte de production, bref, de désamorcer les pièges tendus les sources.
Donnant lieu à la définition d’une norme nouvelle, les règlements d’avouerie constituent souvent, à partir du XIe siècle, le point d’aboutissement d’une période de dissensions entre les clercs et leurs avoués. Ces écrits, rarement recensés de manière systématique, méritent de faire l’objet d’analyses spécifiques, dans la mesure où étudier leur genèse permet de comprendre quels sont les mécanismes de gestion des conflits à l’œuvre au sein de la société seigneuriale. Il convient, dès lors, de s’interroger sur la nature des négociations en amont de la rédaction des règlements d’avouerie. Mais la définition de ces nouveaux rapports de droit peut également s’inscrire dans un autre contexte, celui d’une réorganisation de la gestion économique et administrative d’une institution ecclésiastique. Comment, dans ces circonstances, les religieux et leurs partenaires laïques définissent-ils les termes de l’accord ? Et quel rôle les communautés rurales naissantes des XIIe-XIIIe siècles jouent-elles dans la conception de ces règlements qui les concernent souvent au premier chef ? Poser cette question conduit à s’intéresser aux relations unissant l’avouerie au monde paysan, et notamment aux non-libres issus de familiae monastiques qui n’échappent pas toujours, loin de là, à la mainmise partielle de l’avoué.

La présente rencontre souhaiterait approfondir la compréhension de l’institution clé, mais encore relativement mal connue, qu’était l’avouerie à travers l’analyse de dossiers spécifiques et dans le cadre d’études à visée comparatiste. Les interventions auront une durée de 30 minutes. Afin de favoriser les échanges, un temps considérable sera consacré aux discussions au terme de chaque présentation.

Comité organisateur :

Jean-François Nieus (FNRS/Université de Namur)
Étienne Renard (Université de Namur)
Nicolas Ruffini-Ronzani (FNRS/Université de Namur)
Charles West (University of Sheffield)

Contact : Nicolas Ruffini-Ronzani - +32 (0)81 724 167 - nicolas.ruffini@unamur.be
Plus d'info : http://www.unamur.be/lettres/histoire/nouvelles/avouerie/view
Télecharger : vCal