Portrait de chercheur FNRS : Michaël Lobet, le physicien de l’invisible qui fait twister la lumière
Cet été, partons à la découverte des chercheurs qualifiés de l’UNamur, lauréats des financements octroyés par le FNRS en 2022. Aujourd’hui, rencontre avec Michaël Lobet, actuellement chargé de cours à l’UNamur, qui débutera son nouveau mandat de chercheur qualifié FNRS au sein de l’Institut NISM à la rentrée prochaine. Le sujet de sa recherche : l’optique twistée pour la manipulation de photons lents ou comment réaliser des pièges à lumière. Explications.
Au départ, Michaël Lobet voulait être astrophysicien pour comprendre le mouvement des planètes et tous les mystères de l’univers. Un excellent professeur de physique du secondaire lui avait donné le goût de ces questionnements fondamentaux. Arrivé en bachelier en physique à l’UNamur, il a découvert que la physique comportait de nombreux sujets, dont l’optique, qui lui était jusqu’alors inconnue. Il s’est ainsi progressivement passionné pour les phénomènes de propagation du spectre de la lumière visible dans les matériaux. Avec les professeurs Philippe Lambin et Luc Henrard, il découvre la modélisation numérique. Et avec les professeurs Jean-Pol Vigneron et Olivier Deparis, il découvre la photonique et les phénomènes de réfraction négative.
Sur les traces d'Harry Potter...
Michaël Lobet part ensuite en Erasmus en Suède, où on lui propose un sujet de recherche original : la cape d’invisibilité. « Super, pour un fan d’Harry Potter ! », nous confie le chercheur. « C’est là que je découvre les métamatériaux et leurs capacités extraordinaires. Je découvre alors qu’ils ont des propriétés qui permettent d’influer sur la trajectoire de la lumière et de la courber à volonté ». De retour à Namur, il entame une thèse de doctorat sous la supervision des professeurs Henrard et Deparis. « L’idée est d’utiliser une autre propriété des métamatériaux, pour les transformer en super-absorbeurs de radiation électromagnétiques, sortes de trous noirs optiques, bien utiles pour améliorer les performances des cellules photovoltaïques actuelles par exemple. Et bien utiles lorsqu’on veut faire « disparaître » quelque chose, ou du moins en donner l’illusion comme avec les phénomènes d’invisibilité. »
Et celles d'Einstein...
Einstein disait : « Cela marche mais on ne sait pas pourquoi ». Le chercheur veut donc comprendre. Il s’’intéresse alors à tout ce qui touche à ces métamatériaux et à ce qu’on peut imposer à la lumière : diffusion, émission, absorption, réfraction, diffraction… C’est suite à de son post-doctorat à Harvard dans l’équipe du Professeur Eric Mazur que l’idée est venue à Michaël Lobet d’appliquer des techniques utilisées en électronique à l’optique. Les matériaux bidimensionnels tels que le graphène sont composés d’une seule couche d’atome que l’on peut empiler au sein d’assemblages formés de couches parallèles. En électronique, on étudie les propriétés de ces assemblages en faisant passer à travers d’eux un courant électrique, afin de voir s’ils ont un comportement particulier. On le fait maintenant aussi en « twistant » légèrement les couches, afin qu’elles ne soient pas tout à fait parallèles. « C’est ainsi que nous avons découvert des propriétés supraconductrices à des matériaux composés de feuilles de graphène, non pas parfaitement alignées mais légèrement désorientées ou « twistées ». L’objet du présent projet de recherche « Optique twistée pour la manipulation de photons lents » est de transférer ce qui se fait en électronique à l’optique. On crée ainsi un nouveau domaine de recherche – la « Twist-optique ». Nous allons reproduire ces configurations avec des cristaux photoniques. On va étudier le comportement de la lumière pour comprendre ce qu’il se passe et surtout, quelles sont les utilisations potentielles. »
Pour devenir maître de la lumière
Car la lumière est bien plus difficilement contrôlable qu’un courant électrique. On cherche ici ce qui peut la freiner, ou même ce qui peut l’arrêter et c’est précisément l’intérêt de ces cristaux photoniques twistés. L’arrêter est une prouesse pour un bolide qui fonce à plus de 300 000 km/s ! On devient maître de la lumière. La lumière est alors piégée mais son état est préservé, ce qui est bien différent du phénomène d’absorption, quand la lumière est simplement transformée en énergie thermique par exemple. Elle est mise « sur pause », en quelque sorte. On peut donc imaginer concrètement pouvoir améliorer les caractéristiques des lasers, améliorer les performances des ordinateurs quantiques ou encore, créer des mémoires optiques, par exemple. Si les expériences pratiques sont déjà réalisables, il est plus difficile de modéliser ces phénomènes car cela exige des ressources numériques très lourdes et inexistantes à ce jour. C’est un domaine récent et les calculs prennent plusieurs jours. Michaël Lobet a le projet de poursuivre cette recherche dans le but de mettre en place les techniques numériques nécessaires pour affiner les connaissances de ce domaine émergent.
Notons que hormis la lumière visible, y a aussi ce qu’on appelle la lumière non-visible, dont notamment le spectre infra-rouge relié à la chaleur. Le chercheur travaille actuellement sur un autre projet appelé PLASMON_EC (PDR FNRS) avec le professeur Luc Henrard. Le but est de créer des vitres qui seraient capables de réduire la déperdition de chaleur et ainsi, réduire la consommation énergétique des bâtiments. Un enjeu sociétal capital !
Jeune papa d’une petite fille d’un an, il aime la randonnée et la natation. Passionné d’enseignement, il réalise actuellement un mémoire sur la pédagogie active sous la direction du professeur Marc Romainville. Et parmi ses hobbys, il trouve le temps de se rendre à des cours de danse de salon avec sa compagne. Peut-être y danse-t-il le twist, qui sait ?
Plus d’infos sur l’invisibilité ?
Allez voir le TEDx Talk de Michaël Lobet, tourné lors du TEDx UNamur le 22 avril dernier. Il est disponible sur la playlist TEDx UNamur ici...
bePOM - Belgian Photonics Online Meetup - édition 2022
Le Dr Michaël Lobet est l’un des fondateurs de l’évènement annuel bePOM, avec le Dr Sébastien Mouchet (UNamur) et le Dr Gilles Rosolen (UMons). bePOM (Belgian Photonics Online Meetup) a pour but de renforcer le réseau belge en associant toutes les universités belges qui travaillent autour de la photonique, que ce soit au niveau recherche fondamentale ou appliquée. Pour sa troisième édition, qui aura lieu les 29 et 30 septembre 2022, bePOM propose un évènement hybride : un jour 100% en ligne et un jour mixte, en ligne et sur site, sur le campus de la VUB. Plus d’infos sur bePOM2022 et inscriptions ici...
Contact :
Michaël Lobet
-
michael.lobet@unamur.be