QUALIblood, une spin-off au service de la médecine de demain
L’un des soucis majeurs avec la maladie provoquée par le Covid-19 est son évolution grave, qui génère de nombreux problèmes pouvant entraîner une surcharge des hôpitaux. Détecter rapidement si une personne est à risque ou non de développer une forme sévère de la maladie est donc crucial pour optimaliser la prise en charge du patient et la gestion des ressources hospitalières. C’est l’un des objectifs de l’étude réalisée par QUALIblood, spin-off de l’UNamur, en collaboration avec le Département de pharmacie et de nombreux autres partenaires industriels et hospitaliers. Exploration d’une technologie de pointe au service de la santé.
Mars 2020. Alors que la plupart des dépistages du Covid-19 sont réalisés via un frottis nasopharyngé soumis à un test RT-PCR, Jonathan Douxfils et ses collaborateurs se lancent dans une étude clinique pour évaluer quels paramètres sanguins pourraient prédire la sévérité de la maladie. Concrètement, le projet COVIMOA (« COVI » pour Covid et « MOA » pour technologie Simoa® de Quanterix) est mené sur base d’analyses effectuées sur des échantillons sanguins de patients aux profils variés, positifs au virus, et suivis durant la durée de leur hospitalisation. L’équipe du chercheur démontre qu’il est possible d’y détecter la présence du virus SARS-CoV-2, même à des taux extrêmement faibles, et de vérifier si des anticorps ont déjà été produits par le patient, pour peu que l’on dispose de la technologie nécessaire. Cette technologie, QUALIblood la possède. Elle a fait l’acquisition d’un outil assez exceptionnel, dont il n’existe que 90 exemplaires en Europe, et qui permet de réaliser des mesures de marqueurs sanguins d’une sensibilité au minimum 1000 fois supérieure à la technologie ELISA (voir encadré 1), permettant la détection de biomarqueurs avec un prélèvement capillaire, c’est-à-dire une goutte de sang au bout du doigt.
COVIMOA : à la recherche d’un biomarqueur pour anticiper la sévérité de la maladie
Le projet COVIMOA, s’inscrit dans la lignée des projets du COVILAB namurois, un rassemblement de laboratoires industriels, hospitaliers et universitaires initié par Jonathan Douxfils visant à mettre leurs expertises respectives en commun pour travailler sur le Covid-19. Ce projet implique de nombreux acteurs, dont les membres de la spin-off, des chercheurs du Département de pharmacie de l’Institut NARILIS, des professionnels de la santé de diverses institutions hospitalières en Wallonie et à Bruxelles et même des étudiants en sciences pharmaceutiques de l’UNamur.
Il s’agit en fait d’étudier le lien entre la virémie, c’est-à-dire le taux de présence du virus dans le sang, et la réponse immunitaire des patients. Cela permet d’objectiver si, par exemple, un patient atteint d’une forme sévère de la maladie présente une virémie élevée et une réponse immunitaire faible.
Ensuite, sur base de cette hypothèse, il faut analyser la corrélation entre la virémie et la sévérité de la maladie, pour s’en servir comme biomarqueur prédictif d’une évolution grave de la maladie. Dans le cadre de l’étude menée par ce groupe de recherche, la sévérité de la maladie a été objectivée selon les recommandations de l’OMS. De façon impressionnante, il ressort que la mesure de la charge virale sanguine permet de distinguer de manière précoce les cas sévères des non-sévères, une distinction qui n’est pas observée avec la RT-PCR réalisée sur frotti nasopharyngé. Jonathan Douxfils, CEO du laboratoire QUALIblood et académique à l’Université de Namur : « Une fois que le patient dépasse un certain seuil de virus dans le sang, il peut avoir jusqu’à 30 fois plus de risque de développer une forme sévère de la maladie. D’un point de vue pronostique, c’est remarquable ! […] À l’échelle du patient, ceci nous permet d’agir rapidement auprès de ceux dont la symptomatologie initiale n’est pas spécialement évocatrice d’une évolution vers une forme sévère. Sur le plan logistique, ceci pourrait permettre d’identifier les patients risquant d’évoluer vers une forme sévère afin de s’assurer que les ressources hospitalières disponibles sont suffisantes et d’anticiper un transfert vers une autre institution au cas où les ressources locales ne suffiraient pas ».
Outre le fait que ce test est capable de prédire la sévérité de la maladie, c’est aussi un excellent outil de diagnostic alternatif à la RT-PCR sur frottis nasopharyngé. « Dans notre étude, 100% des sujets positifs en RT-PCR et considérés comme contagieux étaient positifs au test sanguin proposé par QUALIblood » précise Julien Favresse, Pharmacien Biologiste à la Clinique Saint-Luc de Bouge et initiateur du COVILAB avec Jonathan Douxfils. Une discrimination importante puisque beaucoup de tests RT-PCR sont rapportés positifs alors que la charge virale est trop faible pour considérer le patient comme contagieux selon les critères du Center for Disease Control and Prevention américain. Un pas en avant vers plus d’objectivité dans le diagnostic et les mesures sanitaires qui en découlent.
Personnalisation du diagnostic clinique et des soins au service de la médecine de demain
« C’était la promesse de QUALIblood lors de sa création en 2017 : de belles perspectives de recherche et une valorisation technologique indéniable dans un domaine de premier plan grâce à des collaborations académiques et extra-académiques. Ceci génère des résultats concrets au service de la santé pour tous », se réjouit Jonathan Douxfils.
Le projet COVIMOA et le COVILAB ont permis de générer de nombreux résultats (voir encadré) dans le combat contre le Covid-19, avec la perspective encourageante et innovante d’une prise en charge anticipée, nuancée et personnalisée des patients en fonction du profil sérologique et de la mesure de la virémie.
De plus, ces analyses, une fois réalisées sur un échantillon de sang capillaire, ouvrent la perspective de la conception d’un kit d’auto-prélèvement. « C’est l’avenir de la médecine, vouée à être décentralisée » nous confie Jonathan Douxfils. « Cela permettra de désengorger les hôpitaux, les centres de tests et les laboratoires. Cette méthodologie présente également de nombreux autres avantages : la stabilité des échantillons face aux prélèvements liquides habituels, la petite taille du kit qui génère moins de déchets ou encore la facilité d’utilisation en pédiatrie… », poursuit le chercheur.
Un projet connexe est basé sur certaines observations de la réponse immunitaire en fonction du genre. « L’analyse des données épidémiologiques révèle que les femmes ont moins souvent développé un Covid-19 sévère que les hommes. Les décès concernent aussi moins les femmes que les hommes. Laure Morimont, chercheuse en charge de ce projet, étudie actuellement la réponse au vaccin en fonction du genre », continue-t-il. Une implication logique vu que la jeune chercheuse se consacre à la santé de la femme.
Outre ce grand pas vers la médecine de demain dans le domaine de l’immunologie et de la biologie clinique, les perspectives de la spin-off sont nombreuses car ses équipements permettent des analyses de biomarqueurs innovants dans de nombreux autres domaines tels que l’oncologie, la cardiologie, les maladies infectieuses ou encore la neurologie, pour, par exemple, détecter les stades précoces de la maladie d’Alzheimer, suivre l’évolution de cette dernière ou la réponse au traitement.
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