Confinement : le soin prodigué aux poissons élevés en laboratoire
Patrick Kestemont est chercheur au sein de l’Unité de Recherche en Biologie Environnementale et Evolutive. Ses projets portent sur les poissons. Dans son laboratoire, on retrouve ainsi pas moins de 4.000 tacons et environ 10.000 alevins de saumon atlantique. 50 poissons chats africains et 30 tilapias adultes. Un arrivage de 500 juvéniles et 500 Zebra fish commandés avant le confinement est prévu dans les prochains jours. Les élevages sont utilisés dans le cadre de différents projets dont Patrick est le promoteur.
C’est Sascha Antipine (photo) qui, en temps normal, est le seul à gérer l'aspect technique, au niveau des soins des poissons et des stocks de nourriture. Lors d'expériences, il laisse le soin aux chercheurs de nourrir et entretenir les bassins et reste évidemment à leur disposition pour un avis technique, une réparation... En cette période difficile, les expérimentations sont à l'arrêt mais les soins aux poissons continuent.
Sascha doit se rendre dans les locaux tous les deux jours, ainsi que les jours fériés, afin de nourrir les poissons. Les autres jours, ce sont les chercheurs responsables des projets en cours (voir ci-dessous) qui se relaient. Sa journée débute par les gestes de désinfection (mains, gants, clés, et tout ce qui est suspecté de contamination) et se termine par la même opération. Il se rend dans les locaux d'élevages, où il vérifie entre autres le bon fonctionnement des installations, l'état de santé des petits pensionnaires et agit si nécessaire.
Ensuite, les poissons sont nourris en fonction de leur régime alimentaire, leur taille, ... De manière moins régulière, il effectue des tris par classes de tailles des jeunes saumons. Cette opération importante limite l’hétérogénéité de taille entre les individus. Chaque semaine, le local est désinfecté, afin de restreindre le transport d'éventuels pathogènes entre les locaux. Il ne s'agit pas ici d'une mesure liée au Covid-19 mais bien d’une mesure habituelle.
Un système d'alarme est toujours en fonctionnement en cas de panne pendant la nuit ou hors de ces horaires. Si, à un moment donné le système s’arrête (coupure de courant, problème aération, arrivée d'eau…), Sascha est directement contacté par téléphone via le gardiennage, afin d'intervenir rapidement.
Mais tous ces poissons, à quoi servent-ils ?
Les clarias gariepinus ou poissons chats africains sont utilisés pour un TP avec les étudiants de master en aquaculture (Robert Mandiki et Valérie Cornet). Le but est de tester différentes formulations d'aliments que les étudiants ont conçus et de voir le résultat sur la croissance après 2 semaines. Le poisson chat africain est une espèce d'eau douce et chaude, traditionnellement consommée en Afrique sous forme séchée et fumée.
Les tilapias seront utilisés dans le cadre de la thèse de Pamphile Agbohessou. Sa recherche consiste à remplacer partiellement ou totalement l'utilisation de farines de poisson (protéines) issues de pêche au chalutier la plupart du temps, par une farine d'insectes enrichie en omégas 3 et 6. Le but est double : diminuer la dépendance à ces farines de poissons coûteuses et réduire l'impact négatif de ces prélèvements massifs de poissons "fourrages" sur l'environnement. Le tilapia du Nil ou oreochromis niloticus est une espèce de cichlidé africain vivant en eau douce chaude et calme. C'est un omnivore brouteur, élevé depuis l'antiquité en Égypte. Il représente une des espèces piscicoles les plus consommées, notamment sur le continent africain.
Les tacons de saumon atlantique sont utilisés pour le projet Life 4 Fish. La chercheuse Imen Ben Ammar évalue leur passage au travers de différents obstacles lors de leur dévalaison en mer. Le saumon est une espèce anadrome, c'est à dire qu'il nait en rivière, descend en mer après 1 an de rivière, afin de s'alimenter, accumuler des graisses, pour ensuite revenir dans sa rivière natale et s'y reproduire. Il aime les eaux douces rapides, fraîches et d'excellente qualité, ce qui en fait un bon baromètre de la qualité de l’eau.
Les alevins de saumon sont utilisés dans le cadre du projet Saumon 2000 mené par Alexandre Erraud. Il vise à la réintroduction du saumon dans le bassin mosan. Ces poissons sont issus d'une expérience de comparaison de la laitance de mâles de différentes origines (mâle sauvage, élevage, 1 an, 2 ans). Ils ont pu être comparés avant et après cryoconservation. Leur reproduction, l'incubation des œufs, l’émergence, et pour l'instant la croissance, sont réalisées à l’UNamur. Lorsqu'ils seront prêts, ils seront relâchés en rivière.
Le Zebra Fish ou Danio rerio, est une espèce de cyprinidé, couramment utilisé en aquariophilie et en laboratoire, où il sert de modèle. Il est utilisé pour étudier l'influence de l'exposition aux microplastiques sur le microbiote gastro-intestinal et l'intestin hôte des larves. Il sert également de modèle d'étude actuellement pour évaluer les propriétés anti-inflammatoires et anti-oxydantes d'extraits de la plante Clerodendrum cyrthophyllum turz.
Patrick Kestemont est également un des opérateurs du projet Interreg DIADeM, pour lesquels des tests d'encagements en rivière ont été effectués. Regardez la vidéo en explique le processus...
Son laboratoire a pris la décision de rassembler tous les poissons dans deux locaux afin de limiter les déplacements dans l'Université. Étant donné que certains labos du même bâtiment sont utilisés dans le cadre du projet "SANA", la plus grande attention est de mise !