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Faut-il interdire la fessée en Belgique ?

La thématique du droit de l’enfant à une éducation non violente était au cœur d’une conférence-débat organisée par l’ADANam (Association des anciens de la Faculté de droit de Namur) et donnée par Géraldine Mathieu, chargée de cours à la Faculté de droit. Loin de vouloir imposer son point de vue, elle a présenté un certain nombre de textes et de témoignages et a ouvert le débat pour élargir et nuancer la réflexion.

A l’aide d’un outil de sondage en direct, Géraldine Mathieu constate que, au sein de l’assemblée, nombreux sont ceux qui ont déjà reçu une gifle de la part de leurs parents ou d’un professeur. Doit-on pour autant parler de violences éducatives ? Pour répondre à cette question, Géraldine Mathieu s’appuie sur un avis du Délégué général aux droits de l’enfant (19 avril 2019) : « Toutes les formes de violences dans leurs expressions plus ou moins sévères peuvent être considérées comme appartenant aux violences éducatives quand elles ont pour finalité de punir et d’éduquer les enfants. Elles englobent ainsi les violences verbales, psychologiques et émotionnelles, les formes de négligence et de privation ainsi que les châtiments corporels ». Un avis qu’elle complète par différents textes du Comité des droits de l’enfant qui insistent sur la notion de recours à la violence « en vue d’infliger un certain degré de douleur, de désagrément ou d’humiliation à des fins punitives » (Comité des droits de l’enfant, Observation générale n°8, 2006 § 14).

Selon une étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants (A/61/299, 29 août 2006), « ces violences physiques s’accompagnent souvent de violences psychologiques. Insultes, injures, isolement, rejet, menaces, indifférence et mépris sont autant de formes de violence susceptibles d’être préjudiciables au développement et au bien-être psychique de l’enfant – en particulier lorsqu’elles sont le fait d’un adulte respecté tel qu’un parent. »

A l’aide de vidéos et de textes d’experts, Géraldine Mathieu sensibilise au fait que ces violences peuvent engendrer de l’anxiété, de l’agressivité, de la violence, des problèmes scolaires, des addictions ou une perte d’estime de soi et/ou de valeurs morales. C’est pourquoi les experts insistent sur la nécessité de privilégier une approche éducative basée sur la bienveillance et l’échange qui permet de construire avec l’enfant un cadre dans lequel il peut évoluer. Interdire la violence n’empêche évidemment pas de poser des limites, des règles et des interdits.

Il ne s’agit pas de stigmatiser les parents mais d’éviter qu’ils instaurent « la claque comme système éducatif », nuance Géraldine Mathieu. La Convention Internationale de Droits de l’Enfant, qui fête aujourd’hui ses 30 ans, invite les états à prendre « toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un deux, de son ou de ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié ». (Article 19.1).

Une loi claire accompagnée de campagnes de sensibilisation et de programmes de soutien à la parentalité

Si 58 pays ont légiféré en ce sens, la Belgique reste à la traîne. Par une décision du 20 janvier 2015, le Comité européen des droits sociaux nous rappelle que la législation belge ne protège pas suffisamment les enfants en ce qu’elle n’interdit pas explicitement les châtiments corporels dans tous les milieux, et en particulier dans la famille. Un avis renforcé par le Comité contre la torture (3 janvier 2014) qui recommande à la Belgique « d’interdire expressément les châtiments corporels infligés aux enfants dans tous les cadres et en priorité dans le cadre familial ».

Pourquoi la Belgique n’ose-t-elle pas légiférer en ce sens ? Peut-être parce que nombreux sont ceux qui estiment que le châtiment corporel est normal dans un cadre éducatif. Si la législation ne supprimera évidemment pas définitivement de telles pratiques, elle aura le mérite de définir clairement un cadre. Accompagnée de campagnes de sensibilisation et de programmes de soutien à la parentalité, elle permettrait certainement de réduire les pratiques violentes. « La loi est nécessaire même si elle n’est pas suffisante. Elle a ses limites mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire ! » insiste Géraldine Mathieu.

Reconnue par l’OBFG (Ordre des barreaux francophones et germanophones de Belgique) dans le cadre de la formation continue des avocats, cette conférence-débat proposée par l’ADANam a suscité de nombreuses réactions et réflexions au sein de l’assemblée composée principalement d’avocats spécialisés en droit de la famille.

Contact : Géraldine Mathieu - geraldine.mathieu@unamur.be