Quand l’optique décrypte les parchemins anciens
Angel Martin Fernandez Alvarez, jeune chercheur au Département de physique de l’UNamur, vient de recevoir le prix Jean-Jacques Comhaire, de la Fondation Roi Baudouin. Il récompense un projet qu’il a élaboré à partir d’un article publié dans la prestigieuse revue Scientific Reports (du groupe Nature), dans lequel il décrit une technique innovante qui repose sur la mesure de la lumière diffusée par des parchemins anciens. Celle-ci permet en effet de caractériser, de manière non-invasive, la nature des peaux utilisées au Moyen Âge pour fabriquer les parchemins.
Cette technique originale, c’est celle de la « sphère intégrante » : il s’agit un appareil en forme d’hémisphère qui collecte toute la lumière diffusée par un parchemin. Les données récoltées sont ensuite soumises à un traitement mathématique appelé PCA (pour « Principal Component Analysis »), utilisé notamment dans la reconnaissance faciale. Dans le cas des parchemins, la PCA appliquée aux données permet de donner la signature optique de la peau animale utilisée il y a plusieurs siècles, son « empreinte » en quelque sorte. « En tout, 20 parchemins anciens provenant de la Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin ont été analysés, sur les deux faces. Nous avons comparé les résultats d’identification de l’espèce animale par notre technique aux analyses protéomiques, basées sur les protéines extraites de la peau. Et nous avons obtenu 100% de correspondance », explique Angel Martin Fernandez Alvarez. Un résultat fiable et surprenant, récolté sur un nombre significatif d’échantillons. « C’est ce qui a mené à la parution de cet article dans Scientific Reports, l’éditeur de ce prestigieux magazine scientifique ayant relevé l’importance de cette découverte », explique Olivier Deparis, physicien à l’UNamur et « mentor » du jeune chercheur.
Un fameux pas en avant dans l’analyse de la nature des parchemins, les conservateurs ont en effet plutôt l’habitude de détecter leur nature (veau, chèvre, mouton) à l’œil nu. Or, cette technique optique est fiable dans tous les cas, même là où l’analyse à l’œil nu peut parfois mener à une erreur. « Nous apportons un éclairage qui n’a encore jamais été donné », ajoute Olivier Deparis. Désormais, grâce à cette avancée, on peut désormais comparer les signatures optiques de parchemins anciens (du 12e au 16e siècle dans le cas de l’étude citée) par rapport à celles de parchemins contemporains. C’est l’analyse qui a été réalisée en laboratoire par Angel Martin Fernandez Alvarez. Là encore, une constatation confirmée par la PCA : les parchemins anciens absorbent davantage la lumière que les récents. Explication ? Avec le temps, la peau génère de la gélatine. C’est elle qui favorise l’absorption de la lumière.
L’avancée dans la connaissance des parchemins est telle que cette technique innovante pourrait être proposée aux grandes bibliothèques de par le monde, qui disposent d’un patrimoine important et fragile. Pour l’heure, le jeune chercheur continue de collecter et d’analyser d’importantes quantités de données. L’étape suivante est de tenter d’estimer l’état de vieillissement des parchemins anciens. « Un conservateur pourrait, par exemple, nous présenter un porte-folio avec des parchemins présentant différents degrés de dégradation. L’idée est de voir, grâce à l’empreinte optique, si on parvient à établir une classification. Si on découvre quelque chose de significatif, cela pourrait aider les conservateurs à améliorer leurs techniques de restauration des parchemins anciens », conclut Olivier Deparis.
Pour plus d’infos : A. M. Fernandez Alvarez, J. Bouhy, M. Dieu, C. Charles, O. Deparis, “Animal species identification in parchments by light”, Scientific Reports 9 (2019), 1825.
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Angel Martin Fernandez Alvarez
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