La transition agroécologique… en recherche et en action !
Clotilde de Montpellier est assistante-doctorante au Département de géographie de l’UNamur. Elle a mis en place un projet innovant : lancer une transition agroécologique dans une ferme de grandes cultures et d’élevage bovin. Celle-ci se trouve à Emeville, dans le Condroz namurois. Là-bas, elle y développe des pratiques agroécologiques qu’elle analyse d’un point de vue scientifique. Prévue sur plusieurs années, cette recherche a pour objectif d’expérimenter des pistes de solutions permettant d’améliorer les performances des systèmes agricoles tout en répondant aux défis locaux.
Le monde agricole vit aujourd’hui l’une de ses plus importantes crises secouant en profondeur une profession inquiète pour sa survie. Le contexte dans lequel elle s’inscrit évolue drastiquement : changement climatique, dégradation de la qualité de l’eau et des sols, volatilité des prix, érosion de la biodiversité, scandales alimentaires, agriculteurs au bout du rouleau… Les défis ne manquent pas ! Pour les relever, Clotilde de Montpellier et son mari se sont lancés dans un projet extraordinaire : installer, sur des terres situées à Emeville (près de Havelange), une ferme pratiquant la transition agroécologique. Le projet prévoit d’analyser les pistes testées sur le terrain, d’un point de vue scientifique par la doctorante, dans le cadre de la recherche qu’elle mène à l’Université de Namur : « Dans le cas de ma ferme, la transition agroécologique signifie que l’on passe d’un système de monoculture intensif basé sur l’apport d’engrais et de produits phytosanitaires à un système durable plus diversifié basé sur ré-activation des fonctionnalités de la biodiversité », explique Clotilde de Montpellier.
L’approche est systémique : plusieurs facteurs sont à mettre en place dans les bonnes proportions et au bon moment. Les principales pratiques sont les suivantes : reparcelliser et ré-organiser la ferme, ne plus utiliser d’engrais chimiques ni de pesticides, rallonger de manière importante la rotation des cultures (7 ans au lieu de 3 ans aujourd’hui en moyenne), y intégrer des légumineuses et des prairies temporaires qui contribuent à la fertilité du sol, réintégrer de l’élevage pour optimiser et équilibrer les flux de nutriments, utiliser de nouvelles machines abîmant moins le sol et la microfaune qui y réside, réhabiliter les infrastructures écologiques, etc.
Si le système agricole actuel est très axé sur le rendement, le projet de la ferme d’Emeville propose une autre vision : celle de créer un cercle vertueux, en faisant en sorte que l’exploitation fournisse de la nourriture, de l’énergie, mais aussi d’autres services comme la stabilisation des sols, la régulation du climat par le stockage du Carbone ou encore une offre récréative. « Notre hypothèse est qu’un système agricole devient plus efficace et durable si on respecte mieux ses différentes fonctions », décrit Clotilde de Montpellier, « l’agriculture que nous envisageons se réalise non seulement au profit de l’agriculteur, mais aussi à celui de l’environnement et au bénéfice de la population car elle contribue au système alimentaire local sain en minimisant l’utilisation et dégradation des ressources sensibles ».
Durant la première phase de ce projet, mis en place il y a presque deux ans, un comité regroupant différents partenaires a été créé et les objectifs ont été fixés. Durant l’été 2016, les premiers semis ont été réalisés, ainsi que les premiers travaux sur le terrain. Les porteurs du projet se laissent encore deux à trois ans avant de dresser un premier bilan. Celui-ci sera évalué selon des critères bien précis : la qualité du sol, le rendement, la biodiversité de la faune et de la flore, la contribution à la beauté du paysage, au patrimoine culturel local, aux aspects sociaux, la rentabilité, etc. Les premiers constats sont clairs : « La transition prend du temps, il faut avancer petit à petit. Nous travaillons la terre en la respectant, et nous allions les connaissances d’aujourd’hui qui ont beaucoup évoluées aux connaissances paysannes qui sont pleines de bons sens. On constate, par exemple, que notre travail intéresse beaucoup d’acteurs... des agriculteurs de la région qui ont vu le monde agricole évoluer dramatiquement ces dernières décennies et sont à la recherche d’alternatives innovantes. Ils viennent nous rencontrer parce qu’ils croient en ce projet et veulent le suivre, des propriétaires de terres avoisinantes, des voisins impatients d’acheter nos produits, des écoles, etc. C’est un projet citoyen ! », s’enthousiasme la doctorante.