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Avions mieux sécurisés, microélectronique plus efficace

La pollution électromagnétique est un problème dont l’importance, reconnue au début des années 2000, ne fait que s’amplifier. Elle soulève la question de la nocivité, mais entraine aussi des risques de sécurité : sabotage par brouillage intentionnel et dysfonctionnement dû au parasitage entre différents composants électroniques. Des risques qui peuvent être évités grâce à un blindage… actuellement trop coûteux et trop lourd. La solution ? Utiliser des nanoparticules de carbone. Explications avec le professeur Philippe Lambin (Centre de recherche en Physique de la Matière et du Rayonnement – PMR), coordinateur d’un projet européen consacré à cette problématique.

Qu’est-ce que la pollution électromagnétique?

La pollution électromagnétique vient en partie des GSM et de leurs antennes: il s’agit d’ondes dont la fréquence est comprise entre 900 et 1800 millions de hertz, mais aussi des réseaux sans fil, dont la fréquence est plus élevée: 2,4 milliards de hertz, et enfin, des micro-ondes utilisées en télécommunication, dont la fréquence englobe celles des deux précédentes: elle varie de 1 à 30 milliards de hertz. Cette dernière gamme de fréquences comprend la bande Ka, utilisée pour l’internet par satellite, et à laquelle se consacre notre projet Fundamental and Applied ElectroMagnetism of nanoCARbon (FAEMCAR). Plus spécifiquement, nous nous intéressons à la pollution électromagnétique dans la bande Ka touchant, d’une part, les instruments électroniques utilisés dans l’aviation et d’autre part, les différents composants d’une puce électronique.

Pourquoi ces deux secteurs?

Le risque est grand pour l’aviation qui utilise toujours plus d’électronique. Par exemple, des personnes mal intentionnées pourraient construire un appareil de brouillage capable, à distance, de perturber les instruments de navigation et d'affecter la sécurité de l’avion.

Quant à l’industrie électronique, elle a des perspectives bien établies en matière de miniaturisation (diminuer la taille des éléments tous les deux ans environ). Or il y a un verrou technologique à faire sauter pour maintenir le rythme de cette course à la miniaturisation: plus les éléments sont petits, plus leurs composants se rapprochent et risquent de causer des interférences. Ce parasitage est naturellement malvenu pour le fonctionnement des appareils!

Pour la sécurité aérienne comme pour la miniaturisation, un blindage électromagnétique destiné à couper la propagation des ondes est donc nécessaire, mais un blindage qui soit léger et bon marché… ce qui n’existe pas encore.

Quelle est la réponse proposée par le projet FAEMCAR?

Nous travaillons avec des polymères, puisque le plastique est léger et pas cher, et nous y insérons des particules conductrices. Nous avons pu établir que les nanoparticules de carbone conviennent pour cette manipulation, mais il en existe une dizaine de sortes différentes (fullerènes, nanotubes de carbone, noirs de carbone, plaquettes de graphite etc.). Il reste donc à déterminer avec quels types de nanoparticules et de polymères il est le plus judicieux de travailler pour obtenir un matériau composite efficace.

En outre, nous essayons de travailler avec un minimum de nanoparticules, à la fois au regard du principe de précaution (la nocivité de telles particules n’étant pas encore identifiée ou réfutée), et pour garder l’avantage économique. Nous avons déjà pu établir que l’insertion de seulement 2% de nanoparticules permet au composite d’interagir avec les ondes électromagnétiques.

Enfin, notre technique a l’avantage de garder la légèreté du plastique et d’être facile à mettre en œuvre: nous chauffons le composite afin de le rendre flexible et de pouvoir lui donner la forme souhaitée.

Quelles sont les compétences que le centre PMR met au service de ce projet?

Pour mettre au point ce nouveau blindage, plusieurs domaines d’expertise sont nécessaires, d’où le besoin également d’une collaboration internationale (voir encadré). C’est grâce à la modélisation des nanoparticules et à l’étude de leurs propriétés, ainsi qu’aux mesures expérimentales sur des échantillons que nous comprenons comment les nanoparticules absorbent et diffusent les micro-ondes. Ensuite, nous faisons appel à la science des matériaux pour voir comment mélanger de façon homogène les polymères et les nanoparticules malgré la tendance de celles-ci à s’agglomérer, mais aussi, pour veiller à n’utiliser qu’une concentration minimum de nanoparticules. Enfin, nous recourons à la théorie électromagnétique pour étudier les propriétés du nouveau composite. Mes quatre collègues namurois -Luc Henrard, Alexandre Mayer, Michaël Lobet et Stéphane-Olivier Guillaume, et moi intervenons au niveau de la modélisation des nanoparticules et de la prédiction de leurs propriétés.

Le projet FAEMCAR est mené grâce au système international Marie Curie d'échange de personnel de recherche (IRSES, 7e programme-cadre de la recherche européenne) destiné à aider les organismes de recherche à instaurer ou à renforcer une coopération à long terme. Il a permis de réunir sept équipes de recherche actives dans les trois domaines nécessaires à la compréhension des propriétés électromagnétiques des nanostructures de carbone: outre l’UNamur, l’Institut de physique technique et de science des matériaux de Budapest, l’Institut national de physique nucléaire d’Italie, l’Université de Vilnius, l’Université de Biélorussie, l’Académie russe des sciences et l’Académie nationale des sciences d’Ukraine. Des scientifiques qui avaient déjà eu l’occasion de travailler ensemble pour un projet Sciences for Peace de l’OTAN. Une base solide qui leur a déjà permis d’obtenir de beaux résultats en un an, alors que le projet ne se terminera qu’en 2016.