L'UNamur et la Belgique francophone inaugurent leur premier laboratoire de langues des signes
C'est autour de l'équipe de Laurence Meurant (chercheur qualifié FNRS en Faculté de philosophie et lettres) que se développe l'étude linguistique de la Langue des signes de Belgique francophone (LSFB). Après avoir initié le premier colloque belge sur la langue des signes ainsi que la constitution d’un corpus inédit et représentatif de la LSFB, c'est un laboratoire dédié à l'analyse de cette langue et unique en son genre que les chercheurs viennent d’inaugurer ce 21 février à l'Université de Namur.
Le nouveau laboratoire dispose d’un studio d’enregistrement vidéo et d’une régie. L’objectif premier est de l’exploiter pour alimenter le corpus novateur que l’équipe LSFB de l’UNamur est en train de constituer.
«La LSFB présente des variantes régionales, qui sont assez bien connues, mais aussi des variantes contextuelles peu connues : on signe différemment si on parle avec un ami ou avec son supérieur, si on s’adresse à un groupe ou si on discute en face à face, mais également si on raconte une histoire ou si on argumente, etc. » explique Laurence Meurant. « Le corpus que nous constituons va accumuler des échantillons de ces différents types de discours, qui seront signés par des personnes d’âge différents, de formation différentes, etc. Au final, une centaine de signeurs devraient participer. Cet ensemble de films nous permettra donc de comprendre et de décrire avec précision comment les locuteurs de la LSFB adaptent leur langue en fonction du contexte communicationnel. Nous analyserons, par exemple, comment le contexte influence les gestes, mais aussi le regard et les expressions du visage. Ou encore, nous identifierons les éléments qui rendent un discours plus fluide».
Le laboratoire est donc bien utile puisqu’il permet d’ajouter aux vidéos filmées en contexte naturel (lors de conférences ou de rassemblements de personnes sourdes), des vidéos illustrant des interactions bien définies (dialogue, argumentation,…) entre deux interlocuteurs, ou plus. «Ce corpus permet d’asseoir nos recherches et de les faire valider par nos pairs qui auront désormais accès aux données analysées. Mais l’intérêt n’est pas que scientifique…» rappelle la responsable de ce projet.
Améliorer l’enseignement
En effet, la LSFB est pratiquée au quotidien par 4000 personnes environ en Belgique francophone. Cependant, très peu d’outils de référence existent pour apprendre cette langue (pas de grammaire par exemple). Ce corpus inédit et les analyses qui en découlent s’avèrent donc essentiels pour la communauté sourde, puisqu’il permet à la fois d’illustrer la richesse ce cette langue signée et d’en améliorer l’enseignement. Les enseignants des enfants sourds, comme les formateurs des interprètes pourront y puiser des exemples et des exercices, et les locuteurs pourront utiliser cet outil scientifique comme bibliothèque. «L’asbl École et Surdité avec qui nous travaillons depuis plusieurs années est la première à attendre les retombées de nos recherche parce que les enseignants sont, au quotidien, confrontés au passage du français à la LSFB» conclut la chercheuse namuroise.
Collaboration avec les Pays-Bas
À l'occasion de cette inauguration, le professeur Onno Crasborn, de l'Université de Nimègue (Pays-Bas), scientifique de référence dans le domaine de la langue des signes et mentor de Laurence Meurant dans le cadre du NARC, a consacré deux jours à transmettre à l’équipe namuroise son expertise en termes de constitution de corpus de langue des signes, puisqu’il a mené de 2006 à 2008 un projet comparable sur la langue des signes néerlandaise (NGT). Il a également tenu une conférence au cours de laquelle il a montré à quel point les corpus vidéo allaient révolutionner notre connaissance des langues et de la communication dans les toutes prochaines années.
Appel à participation
L’équipe LSFB invite toute personne souhaitant contribuer à la constitution de ce corpus vidéo, en tant que signeur, interviewer ou annotateur, à s’inscrire en ligne.